Le chanvre face au changement climatique : quelles capacités d’adaptation et de résilience ?

Le chanvre et la question du climat : une plante éco-résiliente

Le changement climatique impose de grands bouleversements aux écosystèmes et aux activités agricoles. Dans ce contexte, le chanvre industriel (Cannabis sativa L. non psychotrope) se positionne comme une culture d’avenir grâce à ses remarquables capacités d’adaptation et de résilience. Utilisé depuis des millénaires pour ses fibres, ses graines et ses propriétés médicinales, le chanvre connaît aujourd’hui un renouveau stratégique à l’heure où l’agriculture doit conjuguer durabilité, biodiversité et atténuation des effets climatiques.

Face à l’urgence écologique, les qualités agroécologiques du chanvre en font une alternative précieuse. Cette culture à faible impact peut jouer un rôle significatif dans la transition climatique et énergétique, dès lors que ses capacités physiologiques et agronomiques sont appropriées et soutenues par une politique agricole cohérente.

Une culture robuste et peu exigeante

Le chanvre est reconnu pour sa croissance rapide et son aptitude à prospérer dans des conditions agronomiques variées. Il s’agit d’une plante annuelle robuste qui peut atteindre 3 à 4 mètres de hauteur en quelques mois. Adapté à de nombreux types de sols (sauf trop acides ou trop humides) et résistant aux ravageurs, le chanvre nécessite peu d’intrants chimiques. C’est un atout majeur dans un contexte de réduction des pesticides et des engrais de synthèse.

Le chanvre :

  • A un cycle végétatif court (100 à 120 jours)
  • Présente une bonne résistance à la sécheresse modérée grâce à un système racinaire profond
  • Contribue à la structuration du sol en favorisant l’activité biologique
  • Produit du paillis naturel grâce à l’ombre de son feuillage abondant
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Ces caractéristiques en font un candidat sérieux pour des pratiques d’agroécologie, d’agriculture biologique, ainsi que pour l’agriculture régénérative, de plus en plus valorisée dans les politiques environnementales européennes.

Réduction de l’empreinte carbone grâce à la culture du chanvre

Dans la lutte contre le changement climatique, capter le dioxyde de carbone (CO₂) est un objectif prioritaire. À ce titre, le chanvre se distingue par sa capacité à fixer d’importantes quantités de CO₂ atmosphérique au cours de sa croissance. Selon une étude du European Industrial Hemp Association (EIHA), 1 hectare de chanvre peut fixer entre 10 et 15 tonnes de CO₂ par an, ce qui dépasse largement d’autres cultures traditionnelles comme le maïs ou le blé.

De plus, tous les éléments de la plante peuvent être valorisés, ce qui réduit considérablement les déchets :

  • Les fibres pour le textile, les matériaux composites, les papiers
  • La chènevotte pour la construction (béton de chanvre, isolants), favorable à l’efficacité énergétique des bâtiments
  • Les graines pour la consommation humaine, l’alimentation animale ou l’extraction d’huile

Dans le domaine de la construction, l’utilisation du béton de chanvre permet notamment de fabriquer des bâtiments à bilan carbone très faible, voire négatif, ce qui constitue un axe prometteur dans les stratégies de durabilité à grande échelle.

Résilience face à la sécheresse et aux maladies agricoles

Dans un contexte de raréfaction des ressources en eau et d’intensification des stress hydriques, le besoin de cultures adaptées aux périodes de sécheresse est pressant. Le chanvre bénéficie d’un système racinaire pivotant qui descend profondément dans le sol (jusqu’à 2 mètres), lui permettant d’exploiter l’humidité en profondeur et de mieux résister aux périodes sans pluie.

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Des études récentes menées par l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) montrent que, bien que sensibles à un stress hydrique excessif au stade juvénile, certaines variétés de chanvre montrent de bonnes performances en conditions limitées en eau, à condition que le semis soit bien géré.

Par ailleurs, la culture du chanvre présente une faible incidence de maladies fongiques et virales, ce qui limite le recours aux traitements phytosanitaires. Cela contribue à la préservation des pollinisateurs et de la biodiversité en milieu agricole.

Utilisation durable des terres agricoles

La polyvalence du chanvre en fait une culture de rotation idéale, permettant de restaurer la fertilité des sols appauvris par des cycles intensifs de monocultures. Sa culture améliore la structure du sol, réduit naturellement les adventices en raison de son développement rapide (effet d’étouffement), et réintroduit de la matière organique dans les terres après récolte.

Ainsi, il complète efficacement d’autres cultures comme les céréales, les légumineuses ou les cultures industrielles. Cette complémentarité améliore le rendement global de l’exploitation et favorise la résilience agroécologique.

Cadre réglementaire favorable au développement du chanvre en France

La culture du chanvre industriel est autorisée en France à condition de respecter un taux de THC (tétrahydrocannabinol, substance psychotrope du cannabis) inférieur à 0,3 % pour les plantes sur pied, conformément au règlement (UE) 2021/2115 de la PAC.

Le décret n° 2022-194 du 17 février 2022 autorise la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de la plante de chanvre dans toutes ses parties, à condition que les variétés soient inscrites au catalogue européen. Cette évolution réglementaire renforce les perspectives d’innovation pour les producteurs et les transformateurs, dans les domaines de la cosmétique, du textile, de l’énergie, ou encore de l’aromathérapie via l’huile essentielle de chanvre, extraite par distillation des fleurs et feuilles.

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Une plante d’avenir dans les stratégies climatiques

En Europe, le développement du chanvre s’inscrit dans les ambitions du Green Deal européen et de la stratégie Farm to Fork visant à réduire l’usage des produits chimiques de 50 % d’ici 2030. Il bénéficie également de programmes de recherche sur les biomatériaux, les protéines végétales alternatives et la contribution des cultures industrielles à l’atténuation du changement climatique.

Pour les territoires ruraux, le chanvre offre aussi une dynamique de relocalisation des filières et de diversification des revenus agricoles. Certaines régions françaises, comme la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine et le Grand Est, développent des projets pilotes associant agriculteurs, chercheurs et industriels autour du chanvre durable.

À mesure que les températures augmentent et que les pressions environnementales s’intensifient, intégrer le chanvre dans les politiques agricoles apparaît comme une réponse multifonctionnelle à de nombreux défis. Il s’agit non seulement d’une culture résiliente, mais aussi d’un véritable écosystème économique et environnemental qui mérite une place centrale dans la transition écologique et la bioéconomie de demain.